Vous êtes jaloux, vous ?
Suivant mon programme de the Artist’s way, je réfléchis au thème de la jalousie.
C'est un thème un peu perturbant. On considère toujours que les autres sont jaloux mais soi-même, non. Moi, je me contente parfaitement de ce que j’ai et je ne vois absolument pas autour de moi ou à la télé, ce que les autres ont de plus que moi.
Je suis contente pour tous ceux qui ont un garage et peuvent y abriter leur jolie voiture en bon état. Moi, je regarde par la fenêtre ma voiture pas très étanche garée sur un bord de trottoir recevoir des trombes d’eau en me disant que si la ravine se met à déborder, il faudra que je courre sous la pluie, que je démarre ma voiture, que je la conduise jusqu’au parking le plus proche et que je revienne à la maison à pied, sous la pluie.
Je suis contente pour tous ceux qui, à cinq heures du matin, font leur jogging à l’heure où moi, je dois aller au travail en faisant la course avec le bus qui me colle dans les virages et que je ne peux pas laisser passer devant moi parce qu’il va justement s’arrêter brusquement devant ma voiture pour ramasser un passager et que je ne pourrai pas m’empêcher alors de prendre le risque de le doubler sans visibilité.
Je suis contente pour tous ceux dont les enfants ont toujours très bien travaillé en classe, font maintenant, à vingt ans, des études brillantes en France et gagneront très bien leur vie dans trois ou cinq ans.
Comme on me le conseille à chaque fois que je me plains des difficultés que j’ai, je me réjouis d’avoir une bonne santé, de ne pas être au chômage, d’habiter sous les tropiques, d’avoir (enfin, après vingt et quelques années de galère à ce niveau là) un très gentil compagnon qui ne me bat pas, ne prend pas mon argent, me laisse dormir en paix la nuit, ne fait pas de moi une esclave à la maison après une journée de travail, aime ce que je fais ; je dois enfin me réjouir du fait que j’arrive à faire assez d’économies pour prendre tous les ans un billet d’avion pour aller en vacances chez ma mère (oui. Bon. Sauf que j’ai emprunté de l’argent à ma mère pour pouvoir payer ce billet).
Il faut toujours regarder ceux qui vont plus mal que soi et pas ceux qui vont mieux, me dit-on quand je me plains (et j’ai, à l’instant une petite pensée pour Sœur Emmanuelle).
Moralité. Je ne dois pas me plaindre. Pas devant les autres. Si je me plains, c’est bien normal que je reçoive d’abominables banalités en pleine figure pour m’apprendre à ne pas, moi-même, dire des banalités : se plaindre de sa vie, c’est une banalité. Etre jaloux des autres qui vont mieux que soi, c’est une banalité.
C’est normal d'être jaloux, c’est tout.
Mais voilà, dans mes exercices de la semaine, il faut que je les exprime, ces jalousies mais, apparemment, pas pour ce qui est de ma vie en général comme je viens de le faire, mais plutôt pour ce qui est de ma vie artistique. De quels artistes reconnus suis-je jalouse ? Ce n’est pas simple du tout de répondre à cette question.
Pourtant, j’en ai trouvé, une artiste dont je suis jalouse : Martine Cotten, aux Saintes. Elle n’était pas très talentueuse au départ (ses premières affiches montrent qu’elle ne maîtrisait pas vraiment la technique du dessin à ses débuts) mais elle a sacrément progressé et ce qui l’a fait progresser c’est sans doute le fait d’avoir libéré son artiste, d’avoir osé se proclamer artiste, de s’être installée, de s’être mise à travailler dans le sens qu’elle a choisi et d’être maintenant une artiste reconnue dans toute la Guadeloupe. Quand je vois, par hasard, une affiche peinte par elle, je trouve, au premier abord, que c’est joli et je m’aperçois ensuite que c’est signé par Martine Cotten. Quels progrès elle a faits depuis ses premières affiches ! Moi aussi j’ai progressé par rapport à ce que je faisais il y a quelques années mais personne ne le sait à part moi car mes dessins sont toujours à la maison (pas finis pour la plupart) et que je suis toujours en train de galérer pour aller au travail alors qu’elle, elle a son atelier, sa boutique et elle peint pour vivre et elle vit pour peindre, sans prendre sa voiture le matin dans des conditions difficiles et dangereuses. C’est ça, la vie que j’aimerais mener ! C’est ça, pour moi, la vie d’artiste ! Quelque chose d’infiniment plus simple que le fait de prendre tous les matins sa voiture pour gagner un salaire qui paye en premier lieu, les frais de transports eux-mêmes….