Théâtre populaire antillais
Apprendre à se divertir et à rire, une activité recommandée par mon programme de spiritualité
La seule activité de loisir que je m’accorde, c’est le théâtre. Je veux parler d’activité organisée que je distingue de la plage et de la télé qui sont des activités spontanées. Je veux également parler de théâtre que je pratique en tant que spectateur : je ne suis pas de cours d’art dramatique. J’aimerais bien mais je ne le fais pas.
Aller au théâtre est quelque chose qui existe depuis longtemps pour moi ; ce n’est une activité régulière mais une activité qui a sa place dans ma vie et que j’apprécie depuis l’adolescence et peut-être aussi, d’une certaine manière, un peu, depuis l’enfance. Mais dans mon enfance, à la campagne et avec le peu de moyens financiers que nous avions et avec la famille importante en nombre que nous étions, ce n’était guère possible d’aller voir du vrai théâtre. Même le cinéma était quelque chose d’exceptionnel. Quant à la télé, elle existait, mais pas dans notre maison. Dans celles des voisins. Restait la radio. Et le théâtre que nous inventions nous-mêmes. Et celui de l’école….Mais c’est une autre histoire et j’en ai déjà un peu parlé.
Revenons-en au théâtre antillais. Le théâtre populaire antillais est quelque chose de vivant, consistant, peut-être un tout petit peu lourd, mais franchement comique et très apprécié. Les gens se déplacent en masse pour aller voir une pièce populaire en créole. Les salles sont remplies. Une pièce comique à Basse-Terre ou ailleurs, c’est quelque chose qu’on ne veut pas manquer. Qu’on ne peut pas manquer.
C’est pour ça que nous y sommes allés, le soir de mon anniversaire, mon amoureux et moi, malgré le long parcours que nous avions à faire pour nous y rendre (notre route détruite par le cyclone Omar n’a toujours pas été réparée) ; j’avais choisi d’aller avec mon doudou voir Rigobè et Dédette parce qu’il est antillais et qu’il ne pouvait pas ne pas apprécier la pièce (et j'avais compris qu'il en avait envie, surtout). Comme c’est en créole, je ne comprenais pas complètement certaines scènes mais voir et entendre mon compagnon rire à côté de moi était déjà, en soi, un grand plaisir. Il a beaucoup ri.
Rigobè et Dédette
Critique d’une pièce de théâtre (il s’agit d’un premier jet. J’améliorerai peut-être cette critique, un peu plus tard)
Tout le monde, en Guadeloupe, connaît Rigobè et Dédette, la série qui passe de temps en temps sur RFO, dix minutes avant le journal.
Ils ont leurs habitudes, leurs caractères, Rigobè et Dédette. Dédette est une femme grosse et méchante qui abuse de sa force physique. Elle terrorise son mari Rigobè, un homme fluet et timoré. Ce sont vraiment des personnages. Autour d’eux, les amis de Rigobè, Milo et Lucien sont aussi devenus, au fil des épisodes, des personnages bien construits avec leurs caractères bien définis. Et puis, il y a le frère de Dédette, un garçon rusé et assez méchant qui aide sa sœur à martyriser le pauvre Rigobè.
En tout, ils sont cinq.
Dans la pièce, ils étaient trois : Rigobè, Dédette et Lucien.
Dans la scène d’exposition, on trouve Rigobè chez son ami Lucien qui lui propose une collation de sa composition. Rigobè cherche une excuse pour ne pas en manger car ce que fait Lucien n’est jamais bon. Et puis voilà que Rigobè reçoit un coup de téléphone. Il se montre gêné : sa relation avec la jeune-femme qui l’appelle est illégitime.
Rigobè demande à la jeune-femme de ne plus l’appeler mais d’envoyer des SMS. Dans la scène suivante, l’épouse de Rigobè, Dédette, intercepte le SMS. Cette situation a pour conséquence une importante transformation du caractère de Rigobè. Il se met aussi à transformer sa façon de s’habiller et de se tenir. Dédette, impressionnée, est obligée de changer à son tour. Le seul qui ne se transforme pas, c’est Lucien qui fait toujours des gâteaux immangeables.
L’histoire racontée dans la pièce est très simple. Bien moins intéressante que celle racontée dans les nombreux épisodes de dix minutes qui passent à la télévision. On n’y retrouve pas toute la saveur des ruses compliquées qui obligent la victime à tout donner (y compris son repas quotidien) à ses bourreaux sans jamais pouvoir se révolter car cette victime (comme dans la vraie vie) est prise dans des pièges sans fin. Dans la pièce "Rigobè et Dedette", tout est simplifié, surtout l’intrigue : on n’a pas le temps, en une heure ou une heure et demie, de faire des développements sociologiques complexes. L'objectif du spectacle est d'être vivant et joyeux. Le vraisemblable et la profondeur psychologique des personnages sont donc mis au second plan. La transformation des personnages est rapide, brutale (j'avoue que je la trouve assez invraisemblable), mais peu importe puisqu’on est là pour rire.
Le comique vient du fait qu’on connaît déjà (par la télé) les habitudes des personnages et qu’on retrouve ces habitudes dans la pièce. C’est un comique de situation, de gestes (expressions du visage, de la voix, brutalités), de costumes, de mots (jeux de mots entre le créole et le français) et, bien sûr, de culture.
Pris dans une ambiance dans laquelle tout le monde autour de nous rit, on est obligé de rire. A condition, bien sûr, de comprendre un peu le créole et d’avoir vu plusieurs épisodes de Rigobè et Dédette à la télévision.
Le public visé est donc antillais. Antillais d’origine ou habitant aux Antilles.