La fin d'un monde selon Larrieu
J’ai vu un film formidable à la télé sur canal plus. Un film français.
Ça s’appelle « les derniers jours du monde ». J’ai trouvé ça formidable parce qu’il y a au moins trois interprétations possibles de l’histoire et qu’elles sont toutes plausibles ; et parce que c’est extrêmement bien joué ; et aussi parce que, sur le plan psychologique, il n’y a rien à redire : ça fonctionne ; et parce que c’est un film extrêmement visuel avec des images de paysages, de groupes humains qui sont toutes magnifiques ; et enfin, parce que c’est un film qui, globalement, saisit l’ensemble de la tragédie humaine, de sa beauté, de sa dualité, de sa perfection et de sa folie.
Bref, un film « cerveau droit », un film artistique total.
Le sujet est banal et universel à la fois.
Le film parle d’amour, de vie, de mort… et d’art.
Il exprime le grandiose et, en même temps, la banalité quotidienne.
Et le héros marche, fuit, tout en recherchant quelque chose, quelqu’un.
Et il rencontre sans arrêt des personnes de sa vie, des personnes qu’il connaît et qui se trouvent à des endroits où il s’est retrouvé par hasard.
Par hasard ou alors parce qu’il n’y avait aucun autre endroit où aller que l’endroit où il est allé, où il s’est retrouvé.
Parce que toutes les routes sont fermées sauf celles qu’il prend. Et que tout le monde prend ces mêmes routes, fuyant la mort, fuyant les lieux pleins de gens morts.
La première interprétation du film me fait dire qu’il s’agit de l’histoire d’un homme qui fuit le lieu où il vit parce qu’il y a une guerre bactériologique.
On se rend compte, au bout d'un moment, qu’il s’agit d’une guerre totale car en plus du fait que les eaux sont empoisonnées et tuent bêtes et gens et les font fuir, il y a des missiles qui détruisent des villes proches ou lointaines, des bombes atomiques qui font tout disparaître dans un lueur éblouissante….
La mort est là, partout. Pourtant, la vie continue, la fête bat son plein à Pampelune et dans le mystérieux château du Lot où se retrouve le héros à la fin du film…
En même temps qu’il voyage, qu’il fuit, le héros pense à la femme qu’il aime et qui a disparu de sa vie et il rencontre à chacun de ses pas, les autres femmes de sa vie.
La deuxième interprétation du film me fait penser qu’il s’agit plutôt d’un rêve et que le héros est un homme qui rêve et qui rencontre, dans les différents lieux où il se rend, les femmes qui ont marqué sa vie ; et il cherche, dans tous les lieux qu’il a visités dans le passé, dans tous les lieux où il voyage dans le présent, la femme sublime, longue, mince, nue, qu’il a regardée un soir de fête et qui l’a ensorcelé avec son regard qui répondait à celui de l’homme et son sourire qui disait « je sais que je te plais »….
Est-ce que toute l’aventure amoureuse qui est alors racontée dans le film a été réelle ou n’est-elle que le produit de l’inconscient de l’homme qui l’a fantasmée et qu’il retrouve dans un rêve amoureux, un de ces rêves dans lesquels on cherche éternellement une personne qui a ému notre cœur ? Je préfère cette interprétation à la première, moi qui rêve si souvent d’amoureux que je cherche, qui m’échappent….
La troisième interprétation du film m’emmène aux frontières de la mort, de la mort du héros et de ma propre mort. « Les derniers jours du monde » sont peut-être en réalité les derniers jours de mon monde, de ma vie….
Et les images que voit le héros qui voyage sans cesse sont peut-être celles des choses les plus belles qu’il ait regardées pendant le voyage de sa vie : Une boîte de nuit nommée « je t’aime » à Taiwan, des étendues de neige au Canada, des gens en rouge et blanc qui courent devant des taureaux à Pampelune, un hôtel isolé dans la montagne, un opéra à Toulouse, un restaurant sur le Lot, un château dans lequel se déroulent des scènes érotiques….
Et toutes ces images superbes sont, à chaque fois, interrompues par la mort, violente et familière à la fois. La mort qui attend le héros.