SMS, langue phonétique et...français...
Leçon de grammaire
Parler français, c’est utiliser des mots et les placer dans un certain ordre selon les règles propres à la langue.
Les mots constituent ce qu’on appelle le « vocabulaire ». Si on connaît mille mots, on pourra exprimer moins de choses que si on en connaît cinquante mille.
La façon de placer les mots appartient à ce qu’on appelle la syntaxe. Il y a des règles très strictes qui permettent d’utiliser l’ordre des mots d’une façon cohérente. Il existe également des règles plus souples (certains adjectifs peuvent se placer avant ou après le nom).
Mais, même s’il existe des règles souples, les règles strictes doivent être appliquées sinon on ne comprend plus rien.
Les conjugaisons ne font partie ni de la syntaxe ni du vocabulaire mais elles font corps avec ces deux notions : on ne pourra donc pas, sous prétexte qu’on sait faire la différence entre l’accord singulier ou pluriel d’un verbe, l’utiliser n’importe comment.
Dans la phrase que je viens d’écrire, « pourra » a pour sujet « on » ; avec le sujet « on », je ne pouvais pas écrire « pourrons ». ça, ça fait partie des règles strictes.
Le fait d’avoir mis « utiliser » à l’infinitif est une opération plus compliquée car j’utilise là la règle suivante : « quand deux verbes se suivent, le second est à l’infinitif ». Mais, me diront mes élèves, « utiliser » ne suit pas un verbe, il suit « l’ ».
Tout le monde sait que « l’ », a quelque chose à voir avec la troisième personne du singulier. On aura donc tendance à écrire « l’utilisait » sans se demander si la phrase ainsi écrite a un sens logique ou non.
Alors, que signifie le « l’ » ? C’est ce que vous ne vous êtes pas demandé, chers petits élèves ! Dans cette phrase, « l’ » est un pronom complément mis pour « l'accord *». Je voulais dire, dans ma phrase : « on ne pourra pas utiliser l'accord n’importe comment ».
Cependant, cette phrase que je viens d’écrire n’a plus exactement le même sens que la phrase complexe que j’avais écrite plus haut. La reprise de la notion « l'accord » par le pronom complément « l’ » était nécessaire pour que l’on comprenne vraiment ce que je voulais dire. Et si vous ne pouvez pas écrire une phrase aussi complexe, parce que vous ne savez plus dans quel ordre on doit mettre les mots et que vous ne savez plus si un mot est un pronom ou un article, il vaut mieux écrire des phrases simples avec peu de mots. Là, vous devriez vous en sortir.
Vous écrirez :
« Souvent, on sait faire la différence entre l’accord singulier et l’accord pluriel d’un verbe. On ne pourra pas pour autant utiliser cet accord n’importe comment. » Le problème des deux verbes qui se suivent existe encore (« on ne pourra pas pour autant) sauf que vous ne serez pas tenté d’accorder votre verbe « utiliser » avec « pour autant » ou avec « pas » comme vous étiez tenté de le faire avec « l’ ».
Car « pour autant » et « pas » sont des adverbes et une préposition : on n’accorde pas un verbe avec une préposition ni avec un adverbe (vous le savez, n’est-ce-pas, mes petits élèves ?)… « adverbe », « préposition », voilà encore des notions bien mystérieuses….
Ce n’est pas facile de parler français d’une façon cohérente et logique.
Rassurez-vous, on retrouve les mêmes notions complexes (sous une forme un peu différente) dans la plupart des langues.
En anglais, il y a plein de choses compliquées mais il y a beaucoup moins de conjugaisons et il existe des petits mots comme « will » ou «would » ou « did » qui évitent les modulations compliquées des verbes : will exprime le futur et se place devant une base verbale.
Un peu comme en créole. En créole, on n’a que des bases verbales, des petits mots qui expriment qu’on est au passé (« té ») ou au futur (« ké ») qu’on place devant et tout le monde comprend.
Ca ma donnais la déprime :
Lorsque je lis sur internet des phrases comme :
« ca ma donnais la déprime », je me dis que, si la personnequi l'a écrite avait employé le créole pour écrire cette phrase, tout aurait été plus simple.
La langue créole est concise et claire et s’adapte à une pensée simple. En créole, on aurait dit « sa té déprimé moin » (j’ai fait sauter le « donner » pour simplifier encore cette phrase). Dans « sa té déprimé moin », tout est clair : sa pour « ça » (l’orthographe du créole est phonétique) ; « té » pour le passé « déprimé » comme base verbale ; « moin » pour « moi » ou « à moi » ou « me » (« moin » exprime le pronom à la première personne du singulier – sujet ou complément-).
C’est dans le site « face book » de mon fils que j’ai trouvé cette phrase extraordinaire « ca ma donnais la déprime ». Mon fils avait posté une vidéo montrant les conséquences dramatiques des accidents de la route (ça s’appelle « 20 situations qui n’existent que dans les films » je crois) et, en commentaire, se trouve cette phrase de cinq mots qui, d’un point de vue syntaxique, est totalement incompréhensible « ca ma donnais la déprime ».
La personne qui a écrit cette phrase est probablement une jeune fille d’environ vingt ans. Peut-être croit-elle qu’en écrivant la phrase de cette façon, elle l’a écrite en langage SMS, donc sans règles de grammaire, puisque la règle unique du langage SMS est d’utiliser peu de place en oubliant toute règle classique du français.
Oui mais…Elle utilise plus de place que dans le langage correct. Ce n’est donc pas du langage SMS (règle du SMS non respectée).
La langue SMS :
Le langage SMS a comme principal défaut celui d’autoriser les jeunes à écrire sans règles et donc, il désapprend les bases mêmes du langage. La plupart du temps, les jeunes utilisent un faux langage SMS qui ne sert qu’à masquer leur méconnaissance totale du langage que l’on parle.
Le « ca » de cette phrase ne comporte pas de cédille (la jeune fille ne doit pas connaître la règle de la cédille). Bon. Là, ce n’est pas trop grave. Sauf que si on considère que la jeune fille a voulu utiliser une orthographe phonétique, ça ne fonctionne pas.
« Ma » est normalement un adjectif possessif. « Ma » non suivi d’un nom n’a aucun sens. On dit « ma valise », « ma pomme », « ma fille » comme on dirait (au masculin) « mon sac », mon pain », « mon fils »,…Dans la phrase de la jeune fille, à part « déprime » qui a déjà un déterminant, pas le moindre signe d’un nom au féminin que « ma » pourrait déterminer.
Elle voulait donc dire « m’a ».
Aurait-elle oublié l’apostrophe ? L’aurait-elle oubliée volontairement pour aller plus vite ? Dans ce cas, il s’agirait bien de langage SMS….
Revenons-en au langage SMS : à supposer que la jeune fille ait compris que le « ma » devait logiquement avoir une apostrophe, cela impliquerait qu’elle serait en mesure de comprendre que « m’ » est un pronom complément (mis pour « à moi ») et « a » est le verbe « avoir » ou plutôt « l’auxiliaire avoir » puisque « a donné » est le passé composé du verbe « donner ».
Si la jeune fille avait écrit en SMS, elle aurait écrit « donné » mais ne se serait pas donné la peine d’écrire « donnais » car, là, elle montre qu’elle a fait un effort d’accord : elle veut montrer qu’elle a compris que le « m » de « ma » a un rapport avec la première personne du singulier et, selon l’idée (très erronée) que l’accord se fait avec le mot le plus proche, elle a mis son verbe « donner » au passé et à la première personne du singulier !
La phrase est donc vue, par la jeune fille, comme une suite d’éléments séparés et non comme un ensemble signifiant.
Conclusion :
Je ne suis pas opposée au langage SMS ni au langage phonétique.
Le problème est qu’il faut un minimum de règles dont la première est de savoir dans quel type de langage on se situe : le français qui a des règles de grammaire ? Le langage phonétique qui a des règles concernant les sons et uniquement les sons ? Le SMS qui utilise les sons mais en faisant des combinaisons astucieuses pour utiliser le moins de place possible ?
Le problème de la nouvelle génération qui ne sait pas écrire, c’est qu’elle ne sait pas dans laquelle de ces catégories elle se situe et que le résultat n’est plus un problème de langue écrite et d’orthographe mais de logique, de compréhension, de communication tout simplement.
* Moi-même, je ne m'y retrouve plus : mon l' est-il mis pour l'accord ou pour un verbe ? Pour m'y retrouver, j'ai mis du bleu.