tableau VI le monologue de Mona

Publié le par elizabeth971

Le tableau VI (le monologue de Mona) m’a donné pas mal de fil à retordre. J’ai fini par décider de faire quelque chose de simple qui allait récapituler (et répéter aussi peut-être) ce que nous avions vu dans les scènes précédentes mais cette fois, on reste dans la tête de Mona, on n’a que son point de vue –puisque c’est un monologue. Il y a un deuxième personnage dans la scène mais c’est un monologue quand même. Mettre un deuxième personnage dans une scène de monologue est une technique de théâtre : mon deuxième personnage ne répond pas à Mona mais Mona n’a pas l’impression de parler seule. Le personnage endormi dans le hamac est en quelque sorte son confident. La répétition qui permet au spectateur de mieux comprendre ce qui se passe est aussi une technique de théâtre. Tout dépend de la façon dont on l’utilise. Ici, je l’utilise en la plaçant dans le point de vue de Mona. Elle se met à comprendre certaines choses. Elle se met à comprendre qu’elle a fait fausse route, qu’elle était aveugle à certaines évidences jusqu’à présent. Cequi, pour Charles était évident, ne l’était pas pour elle jusqu’à présent.

 

TABLEAU VI

 

 

Dans le jardin. Sous un arbre. Mona est en train de préparer des fruits. Elle parle comme  quelqu'un qui laisse le flot de ses pensées s'écouler. Elle n'est pas vraiment seule puisque le hamac, attaché aux colonnes de la galerie, contient un corps couché, immobile.

 

 

 

MONA

 

Une mère indigne, voilà ce que je suis. Une mère qui n'aime pas son enfant, qui ne le prend pas dans ses bras quand il revient vivant d'une aventure où il aurait pu laisser sa vie....Une mère qui, ensuite, abandonne son enfant pendant toute une semaine sans lui donner à manger sans essayer de savoir s'il va bien....

C'est ce que vous pensez de moi, non ?

 

(Elle regarde le hamac, s'attarde un peu sur lui)

 

Il est arrivé au moment où nous parlions de lui….avec une telle évidence, une telle innocence, une telle lumière sur son visage….que jamais on n’aurait pu deviner qu’il venait de passer une semaine seul, sans amour….sans moi, sans l’expression de mon affection envers lui….C’est que….après cette colère que j’avais déversée sur lui, c’était non pas l’image de l’amour d’une mère qu’il aurait dû garder de moi et de mes sentiments pour lui mais plutôt celle de la violence, d’une haine que je ne me connaissais pas moi qui suis….d’ordinaire….si douce…si gentille…si…généreuse…Moi qui ai toujours donné tout ce que j’avais alors que je vis à crédit….moi…Moi qui suis moi…La gentille Mona…..me voilà devenue en un éclair, une tornade furieuse s’abattant sur mon enfant….à cause d’une voiture qu’il n’avait pas ramenée….Pour un objet, j’étais prête à le tuer….à tuer mon enfant….Et lui, il ne disait rien….ou plutôt si…Il me disait : « maman, tu me fais peur », « pardonne moi, maman »….et moi, je ne voulais pas pardonner…Je continuais de crier, d’assassiner avec des mots cruels mon enfant qui me suppliait de l’épargner et que je n’entendais pas….

Et le voilà qui, une semaine après, arrive chez Charles en me disant « maman, tu vas bien ? » et en demandant s’il y avait à manger parce qu’il était affamé…et il était affamé parce que je l’avais abandonné pendant une semaine sans me soucier de ses repas…

Après tout, ils auraient bien raison ceux qui m’accuseraient de préférer ma voiture à mon enfant ! C’est vrai ! Je crois que quand je m’inquiétais de son retour de Sainte-Anne, je pensais plus à la voiture qu’à lui…

(Avec force, elle reprend) J’attendais la voiture avec le plein d’essence parce que ce que je voulais, c’était pouvoir continuer ce que j’avais l’habitude de faire !

Ce n’était pas Nico que j’attendais, mais l’objet qui me permettait de faire ce que je faisais tous les jours : aller chez des enfants pour leur inculquer un savoir ! un savoir qui…Il faut bien le dire….ne les intéressait pas du tout….si je les avais passionnés avec mes cours, ils auraient bien trouvé le moyen de venir chez moi, vous ne croyez pas ?

(Elle regarde le hamac qui ne bouge pas)….

Non ! Ils n’ont pas besoin de moi…alors que Nico….Nico, c’est mon enfant et il attend quelque chose de moi….La nuit où il est revenu de Sainte-Anne, la voiture n’était pas là mais lui…Lui, il était là ! il était là et il ne m’intéressait pas….Je ne me réjouissais pas de le savoir vivant…Je n’ai pas cherché à le prendre dans mes bras, à l’embrasser…Je me lamentais à cause de la voiture….à cause de ce que je voulais faire avec la voiture…..à cause de mes habitudes….Les habitudes….elles deviennent plus précieuses à nos yeux que ce qui a une valeur réelle….elles nous rendent aveugles à l’amour que nous devrions toujours avoir pour nos enfants….Pour nos enfants que nous devrions aider…soutenir…écouter….toujours…..

 

(Le hamac se met à bouger et redevient inerte. Elle le regarde un moment avant de reprendre son monologue.)

 

Et maintenant, nous voilà tous les trois dans ce jardin où nous devons vivre désormais…..pour combien de temps ? nous ne le savons pas…sans climatisation, sans électricité, nous sommes mieux dans un jardin que dans une maison…Les alizés agitent doucement les feuilles des arbres et nous mangeons des fruits que nous cueillons et nous nous rafraîchissons dans la rivière ou à la mer et Charles et Nico vont pêcher quelques poissons ou d’autres produits de la mes et aucun lieu ne semble privé, rien n’est interdit parce qu’il n’y a plus de propriété à respecter….Le confort de ce jardin, nous avons le droit d’en profiter, de nous y sentir bien, parce que les propriétaires sont partis….Tout ce qui n’est pas à quelqu’un qui est là est à nous pour un temps, un temps indéfini, infini peut-être…et nous y sommes ensemble sans avoir la contrainte d’aller travailler et d’aller ensuite dans les magasins pour faire des courses qui nous semblaient si nécessaires avant la grève…..

(Elle regarde le hamac)

 

Et vous, vous êtes là aussi ! Inutile comme toujours mais vous êtes là car vous ne pouviez pas partir en France où vous ne saviez pas ce que vous y auriez fait ou bien parce que vous n’avez pensé à rien au moment où vous auriez pu partir, à rien d’autre que boire des punchs et dormir….car désormais, c’est la seule chose dont vous êtes capable……

 

Dans le hamac, il y a du mouvement. On voit le voisin s'en dégager doucement et maladroitement. Sa tête et son torse sortent du hamac.

 

VOISIN

Charles est revenu  ?

 

MONA

Non. Recouchez vous. Rendormez-vous, c'est plus prudent.

 

Le voisin se rendort.

 

Noir.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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D
<br /> <br /> Sinon, je pense qu'on ne peut pas être toujours gentil, non? Pour moi,Mona n'avais pas été extrêment méchante avec Nico. Je pense que dans la même situation j'aurais été plus violent, du moins<br /> verbalement. Elle avait aussi de bonnes raisons d'être en colère, car apparemment Nico avait pas mal abusé depuis longtemps et une cocotte minute qui bout trop fait du grabuge en explosant. Mais<br /> ce que tu expliques dans le monologue me fait aussi comprendre qu'elle n'était peut-être pas en colère pour de bonnes raisons. Ce qu'on dit sous le coup de la colère (ou aussi de l'humour<br /> cynique) a bien souvent une bonne raison d'être dit, et puis vient la culpabilité ou la discussion avec l'autre et d'autres sentiments plus modérés arrivent alors. <br /> <br /> <br /> Sinon, je reste sur ce que je te disais l'autre fois. Je trouve habile le fait de faire passer la télé en plusieurs épisodes, cela passe très bien ainsi. <br /> <br /> <br /> Et j'aime bien la critique de la société de consommation. En même temps, on perçoit un peu les problèmes que cela pourrait poser de couper complètements les ponts avec celle-ci (dans la santé par<br /> exemple.....).<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Bravo.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />
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