un film que j'ai vu : le royaume interdit
Dans les journaux télévisés, quand on parle de « conte de fées », il s’agit en général d’évoquer un mariage princier ou une histoire d’amour qui finit bien. Comme si un conte de fées c’était seulement ça ! Dans « conte de fées », il y a « conte » et il y a « fées ». Un conte de fées est un récit (généralement assez court) dans lequel il entre du « merveilleux », c’est-à-dire un élément qui, dans la vraie vie, n’existe pas. Un conte de fée c’est plus proche d’une nouvelle fantastique que du mariage du prince de Monaco avec une très jolie fille qui s’est fait connaître par des exploits sportifs. Un conte de fées, c’est une histoire dans laquelle un personnage mal aimé ou oublié va subir de terribles épreuves afin de surmonter une malédiction. Un personnage de conte de fée est un personnage qui se dépasse et qui a le cœur pur. OK. Le coup du « cœur pur », c’est pas évident à comprendre (parce qu’en vrai, ça veut dire quoi ?) mais c’est comme ça. Par exemple, il y a un conte dans lequel une jeune fille au cœur pur aide une vieille femme à porter son fagot et sera récompensée par le fait que des diamants sortiront de sa bouche alors que sa demi-sœur qui a de mauvaises intentions (celle de recevoir directement la récompense sans passer par l’épreuve) verra à la fin des serpents sortir de sa bouche.
Mais toi, lecteur du conte, penses-tu vraiment que si tu rencontrais une vieille femme dans une forêt, tu l’aiderais spontanément à porter son fagot ? Ou bien, est-ce que tu te dirais « j’ai lu ça dans un conte et si je ne le fais pas, ça voudra dire que je n’ai pas le cœur pur tandis que si je le fais, je gagnerai plein d’argent » ? Pas si évident que ça, d’avoir le cœur pur….
Toujours est-il que c’est ça le problème : as-tu ou non un cœur pur ? Es-tu en mesure de faire quelque chose de difficile (souvent plus difficile que le fagot de la vieille femme en forêt) sans avoir de mauvaises pensées et sans être immédiatement tenté par la récompense ? Et même, seras-tu capable d’aller jusqu’au bout de l’épreuve imposée (du genre, vider un grenier empli de grains de blés avec comme seul outil une cuiller à café) sans essayer de ruser pour aller plus vite et obtenir directement la récompense ?
Le conte de fées est une métaphore du fonctionnement du cerveau. Le bonheur, tu ne l’obtiens que si tu es capable de vider ton esprit de toute intention et de faire ton apprentissage en prenant le temps qu’il faut. Le cerveau de l’être humain le conduit à toujours avoir une intention (je t’aide à porter ton fagot parce que je sais que tu me récompenseras) et à essayer d’obtenir sa récompense sans suivre le chemin (l’épreuve ou l’apprentissage) en entier.
C’est ce que nous expliquent les films d’initiation et en particulier les films de kung-fu.
Car c’est là que je voulais en venir. Les contes de fées traditionnels et les films de kung-fu nous racontent la même histoire, celle de la recherche du bonheur ou du vrai « moi » qui ne peut se faire que si on accomplit un certain travail qui semble impossible, un travail dont l’issue semble plus lointaine que la longueur d’une vie et en même temps, ne pas penser à la récompense. Subir l’épreuve qui semble éternelle, apprendre ce qu’il faut apprendre tout en pensant qu’on n’aura jamais fini d’apprendre et finir par oublier l’objectif de cet apprentissage. Et c’est en oubliant l’objectif qu’on l’obtient. Ça, c’est quasiment impossible. Tu n’oublies jamais ton objectif. Oui. Car tu es un humain. Le bonheur est donc impossible mais il faut quand même le rechercher tout en oubliant qu’on le cherche mais se soumettre quand même à l’apprentissage, aux épreuves qui sont supposées nous permettre de l’atteindre à condition qu’on oublie qu’on veut l’atteindre. Cette recherche peut être comparée à un chemin et au lieu où nous conduit ce chemin. Ce chemin est en soi une épreuve puisqu’on doit passer par ce chemin pour aller là où on veut aller. Mais si on se met à s’intéresser au chemin et qu’on oublie complètement le lieu où l’on va, on se met à aimer le voyage et à réaliser, à la fin, que c’était le chemin qui comptait et pas l’objectif du voyage. C’est très bien illustré par « Candide » de Voltaire. Tout ce que subit Candide ne sert à rien puisqu’à la fin, la très belle fille qu’il aime est devenue laide et qu’il vit dans une métairie et non plus dans un château. Mais c’est le chemin parcouru, le parcours initiatique qui a compté et fait de Candide un être qui a compris ce qu’est le bonheur. C’est bien illustré aussi par les films qu’on appelle « road trips ».
Bon. Tout ça pour dire que j’ai vu à la télé un film qui s’appelle le « Royaume interdit ». Un film sorti en 2008. C’est un film de Kung fu. C’est un film sur l’initiation d’un jeune homme. Ça parle de la Chine ancienne. Ça parle de la philosophie chinoise. Les textes et les personnages sont d’une poésie et d’une beauté absolue. Les paysages sont recréés par la magie des technologies nouvelles.
C’est absolument merveilleux.