ce matin, rouge et or

Publié le par elizabeth971

Ce matin, vers six heures, l’archipel des Saintes se détachait sur un ciel rouge et doré.

J’ai pris plusieurs photos.

Mes photos ne seront jamais aussi belles que le paysage réel mais j’en ferai un tableau, peut-être un jour.

J’ai des centaines de photos qui attendent ainsi leur tour.

Je photographie tous les éléments du paysage qui pourront un jour me servir pour un tableau…Un jour…

Je n’avance pas bien vite et mon exposition est loin d’être prête. J’avance quand même.

J’ai deux grands tableaux qui, il y a quelques mois, n’étaient que des ébauches et qui, d’un seul coup, semblent prendre une allure de tableaux, de vrais tableaux, avec une texture épaisse, lisse, des contours précis.

 Le moment où mon travail passe de l’ébauche à l’image lisse, jolie, propre, est toujours une sorte de miracle.

« Comment j’ai fait pour y arriver ? » Je ne sais pas. Mais j’y suis arrivée. Il y a encore des détails à améliorer, des couleurs à rendre plus vives et d'autres plus éteintes mais l’image existe, elle est là et je l’ai créée.

Mais je suis encore loin de pouvoir organiser mon exposition.

 

 Le ciel est gris maintenant. L’enchantement du lever de soleil ne dure que quelques instants. La splendeur des couleurs de ce matin est plutôt rare et, bien souvent, elle est suivie d’une journée plus ou moins grise.

« Ciel moutonné, curé frisé, femme fardée, n’ont jamais longue durée » disait-on autrefois dans les campagnes.

Alors, le paysage doré dont j’ai été témoin ce matin, il était pour moi et pour tous ceux de la côte sud qui se sont levés avant six heures, ce matin.

Le premier skipper de la Route du rhum n’a pas eu droit à ça.

Et, de toute façon, comment pourrait-il profiter d’un tel paysage, d’une telle paix lorsqu’il aborde le Canal des Saintes ? Il est alors entouré de centaines de petits et de grands bateaux venus de toute la Guadeloupe, et d’hélicoptères qui filment le spectacle.

Et le vacarme est assourdissant. Il arrivera plus tard, dans la soirée, le premier skipper.

Il y a quatre ans, le vainqueur est arrivé au milieu de la nuit. J’ai été réveillée par le vacarme.

J’ai regardé par la fenêtre et j’ai vu tous ces hélicoptères dans la nuit et tous ces bateaux et, au milieu, j’ai vu le grand voilier et j’ai alors compris que j’assistais à l’arrivée de la route du rhum. J’avais oublié.

 Les concurrents suivants arrivent seuls, tout au long de la semaine. Ils n’intéressent plus les hélicoptères. Mais les automobilistes s’arrêtent pour les admirer.

 

Nous étions, samedi soir, mon doudou et moi, dans notre restaurant près de chez nous et tout près du parking « point-de-vue » qui permet aux automobilistes d’admirer les Saintes et, tous les quatre ans, au mois de novembre, d’admirer les grands voiliers qui viennent jusqu’à nous.

« Quel est l’avantage pour la Guadeloupe de tout ce cirque ?" Me disait mon doudou. "Qui en bénéficie ? Nos Conseils régional et général payent pour recevoir les journalistes dans les plus beaux hôtels…Ils payent avec notre argent et quel est notre bénéfice ?

 -on parle de la Guadeloupe. C’est bon pour le tourisme, pour les hôtels et les restaurants…

- quels restaurants ? Regarde : les concurrents arrivent dans deux jours ; il y a des touristes qui logent chez l’habitant ici, dans notre village et nous sommes seuls, une fois de plus, à manger dans notre restaurant un samedi soir. Où sont les touristes ? Dans les hôtels et les restaurants prestigieux de Pointe-à- Pitre et du Gosier, à faire travailler un peu plus, pendant quelques jours, les serveurs employés par les restaurants…Mais qui gagne l’argent ? Pas nous. Pas les habitants de la Guadeloupe. La Guadeloupe est au centre de l’actualité française pendant quelques jours. Des sommes énormes sont dépensées. Un gars va gagner deux millions d’euros. Et ce sera fini. Oubliée la Guadeloupe !…Et l’argent que les compagnies ont gagné, elle vont le réinvestir dans des équipements qui détruiront un peu plus notre île et feront de nous, les habitants, un peu plus encore, des assistés. Que veux-tu que la Guadeloupe fasse d’un port en eau profonde comme celui qu'on projette de construire ? Il va être fait ! Tous les papiers sont signés…

- Ils vont creuser le socle même sur lequel repose la Guadeloupe ?

 -oui !

- et les coraux ? Et les poissons ?

- ils n’en ont rien à foutre !"

 

 A un moment, je dis à mon doudou :

« Tu sais, d’une certaine façon, quand je dessine tout ce que je vois dans les jardins : l’arbre à pain, les manguiers, les cocotiers, c’est un peu pour essayer de montrer la beauté de la nature et participer à la sauver un peu, si possible…

- ça fera des souvenirs. Dans cinq ans, ils ne seront plus là, tes arbres."

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D
<br /> <br /> Et puis j'ai malheureusement bien peur qu'il ait raison ton doudou. Le fric sort bien souvent vainqueur en fin de compte......alors peins ces arbres tant qu'ils sont là. C'est un témoignage qui<br /> en vaut bien d'autres.<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />
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D
<br /> <br /> J'aimerais bien voir,un jour,les tableaux que tu peins. Juste pour voir......<br /> <br /> <br /> <br />
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