prendre le relais
Bonne année ! On est en 2011. 2010 c'est fini. L'année méchante est finie. Était-elle si méchante que ça ? Était-elle plus méchante que les autres années ? Est-ce que tout le monde, dans le monde entier, l’a trouvée très méchante cette année 2010, l'année qui s'est ouverte par le tremblement de terre de Port-au-Prince, le douzième jour de l'année....?
Et pour moi, il y a eu l'élagage de l'arbre à pain qui est devant notre porte. Huit jours plus tard.
Et pour les vendéens il y a eu la tempête.
Et ma famille a déploré la mort de mon oncle Philippe. Mon meilleur oncle.
Et il y a eu mon fils aîné qui allait si mal (à cause d’un chagrin), si mal que j'ai cru le perdre plusieurs fois en six mois. Je restais des heures au téléphone avec lui quand j'avais de la chance de le trouver chez lui et je le laissais parler, évitant de lui donner des conseils, de lui faire la morale. Et puis, à un moment, il me disait que son petit frère essayait de l'appeler alors je disais ; « OK, je raccroche, passe lui le bonjour de ma part. » et je savais qu'il était en bonnes mains : mon plus jeune fils prenait le relais. Ensemble , ils jouaient parfois à des jeux vidéos sur internet - tout en étant à 400 km l'un de l'autre - une nuit entière. Le petit frère faisait du bon boulot.
Et le lundi, au travail, le meilleur copain était là et prenait le relais.
Pendant six mois, nous ne l'avons pas lâché. Même ma soeur a pris le relais en l'invitant deux semaines pendant les vacances d'été. Je l'ai remerciée plus tard. « Merci d'avoir pris le relais.»
Un jour, au téléphone, au mois de novembre je crois ou dans les tous derniers jours du mois d'octobre, il m'a annoncé qu'il allait mieux.
Il va mieux, oui. Peut-être aussi que le fait que son petit frère se soit retrouvé aux urgences, à l'hôpital, au mois d'octobre, à cause d'une maladie grave - que nous ne lui connaissions pas- a aidé le grand frère à sortir de son chagrin à lui. C'est que moi, à sept mille kilomètres, je ne pouvais pas faire grand chose pour mon plus jeune fils à part lui téléphoner de temps en temps à l'hôpital avec mon portable. Une demie heure, pas plus : je n'ai pas de forfait illimité. Le grand frère oui, il avait un forfait illimité et pouvait longtemps appeler son frère. Il prenait le relais à son tour. C'est peut-être ça qui l'a aidé à aller mieux, cette prise de conscience du fait que nous devons toujours être là pour un autre être cher....
Ils vont mieux tous les deux.
Bien des catastrophes, bien des peurs ont marqué le monde en 2010 au niveau collectif. Y a-t-il eu une sorte d'avertissement ? Pouvons-nous espérer que les choses puissent aller mieux en 2011, en 2012, en 2013 ? L'homme va-t-il enfin comprendre qu'il faut cesser de détruire la planète ? Je pense en disant cela à la catastrophe pétrolière du golfe du Mexique, à celle de la boue rouge en Hongrie mais aussi aux incendies de forêt en Russie, au projet de construction d'une autoroute dans ce même pays qui détruirait une forêt historique et je pense même à Haïti car je reste persuadée que si l'on ne pouvait éviter le tremblement de terre, il aurait fait beaucoup moins de morts si les hommes n'avaient pas détruit l'environnement de ce pays et n'avaient pas construit les maisons de la façon dont elles ont été construites. Un autre tremblement de terre -plus fort encore - menace Haïti, disent les spécialistes. Les habitants de l'île auront-ils réussi à construire leurs maisons d'une façon plus raisonnable, plus sage, d'ici là ?
Car il s'agit bien de sagesse. Le monde est en danger parce que l'Homme n'est pas sage, n'écoute pas les avertissements, ces catastrophes à répétition qui seront, si nous devenons sages, « un mal pour un bien ».
« Comment – s'offusquait Voltaire- une catastrophe aussi épouvantable que le tremblement de terre de Lisbonne peut-elle être qualifiée de mal pour un bien ? Est-ce un bien pour ceux qui ont perdu leurs familles ou sont restés mutilés pour le restant de leur vie, ont perdu leurs maisons et n'auront pas les moyens de les reconstruire ? »
Et il a écrit Candide.
Candide a servi à montrer aux hommes que nous vivons dans un monde plein de malheurs, plein d'accidents, de catastrophes naturelles mais aussi plein de tortures, de meurtres, de méchancetés que nous nous infligeons à nous-mêmes et les uns aux autres. À l'époque où le tremblement de terre de Lisbonne a détruit des milliers de vies, on vivait dans un monde de guerres inutiles, de peur de voyager sur la mer car en plus des tempêtes on redoutait les pirates qui vous enlevaient et vous torturaient ; dans un monde où le fait de posséder de l'argent donnait un tel pouvoir que l'on était prêt à tout pour s'en procurer, un monde où l'exploitation de l'homme par l'homme était illustrée par le fait que quelques hommes, aux Antilles s'enrichissaient en faisant travailler pour eux des esclaves qu'ils avaient achetés à des trafiquants d'âmes...
Le monde n'a pas vraiment changé depuis que Voltaire a publié Candide en 1763, n'est-ce pas ? A-t-il changé ? Vraiment ?
Depuis, on a eu la Révolution en France. Mais qu'avons-nous retenu de l'oeuvre de Voltaire ? On a rendu nos armes plus meurtrières, on a amélioré nos moyens de transport et de communication mais sur le plan humain, qu'avons-nous réellement appris ?
Ce qui est sûr, c'est qu'à l'époque de Voltaire, les moyens de destruction n'étaient pas assez puissants pour détruire la Terre dans son ensemble. C'est peut-être la seule différence qui existe entre le monde de Voltaire, il y a deux cent cinquante ans et le nôtre. À l'époque de Voltaire, on ne savait pas que l'Homme, en plus d'avoir des armes pour se détruire lui-même et détruire ses congénères, pouvait en avoir pour détruire sa planète.
Revenons-en à 2010.
La plus belle chose qui me soit arrivée en 2010, c'est bien sûr ce bébé, cette petite fille née il y a neuf mois et demi. Les bébés sont pour moi de formidables espoirs, ils sont nos relais, à condition , bien sûr que nous apprenions à ne pas leur transmettre nos mauvaises habitudes, à condition de les laisser le plus longtemps possible nous contaminer avec ce qu'ils sont, eux, des lumières dans notre monde de ténèbres.
J'ai lu deux livres merveilleux depuis la naissance de ce bébé : le livre de Philippe Grandsenne et celui de Cohen Solal, deux livres écrits par des pédiatres qui nous expliquent que nous devons écouter les bébés plutôt que leur imposer ce que nous croyons être les bons principes, les bonnes manières. Nos bons principes n'ont pas fait de nous des sages, n'est ce pas ? Les sages, ce sont nos bébés.
Chère Mary, tu vas très bientôt donner naissance à un bébé. Pense bien à écouter ce que te dira ce bébé. Ce sont les bébés qui ont raison. Ils ne savent pas se nourrir, marcher, prendre soin de leurs petits corps. En prenant soin d'eux et en les écoutant, nous prenons soin de notre planète. De nous-mêmes. J'espère que tu as eu le courage de me lire jusque-là.
Bonne année à toi, Mary et bonne année à toi Dexter. Prends soin de toi et de ta famille et merci pour tout ce que tu as fait pour moi en me donnant un peu de confiance.
Bibliographie :
Grandsenne : bébé dis moi qui tu es
Cohen solal : - être heureux à l’école
- Protégeons nos enfants