Fredo et Voltaire
Quel est votre ouvrage préféré ? Quel est le livre qui vous a marqué dans votre vie ? C’est à peu près ça, la question qu’on a posée à Fredo quand il a présenté son livre sur la politique. Frédo, je ne saurais pas qui c’est, si Le Petit journal de Canal plus ne s’en était pas moqué avec sa rubrique Dodo et Fredo. Voilà donc ce qu’il est pour beaucoup sans doute, comme il est pour moi, l’homme politique Frédéric Lefèbvre : il est Fredo de « Dodo et Fredo » et il est ce gars qui fait croire qu’il lit Voltaire et s’y réfère souvent alors qu’il a oublié le titre du livre qu’il a étudié comme tout le monde en classe de première : Candide.
Car, ce n’est sûrement pas Zadig, le livre de référence qu’il aurait cité, si son lapsus n’avait pas pris tout la place de sa réponse car Zadig est moins étudié que Candide au lycée et il est bien loin de Candide pour ce qui est du symbolisme, de la réflexion philosophique, politique et historique. Candide est un chef d’œuvre. Candide est un livre auquel on peut se référer en tant qu’homme politique. Mais les hommes politiques - je veux parler de ceux d’aujourd’hui bien sûr, car ceux d’avant n’avaient rien de commun avec ceux d’aujourd’hui – ne lisent certainement pas sinon ils ne feraient pas ce qu’ils font, ils ne diraient pas ce qu’ils disent. Les personnages politiques actuels épousent des mannequins quand ce sont des hommes et essaient de ressembler à des mannequins quand ce sont des femmes. Pas tous mais beaucoup. Et puis ce sont des gens qui ont été reçus au concours d’administrateur ou aux examens de droit en apprenant des textes par cœur. Et ils continuent de tout apprendre par coeur dans leurs discours. Et ils sont tout le temps à la télé à répéter des discours appris par cœur. Ils n’ont pas le temps de lire. Et leur philosophie de la vie n’a rien à voir avec celle que l’on trouve dans les livres et que l’on essaie de mettre en œuvre dans ses actions.
Bon. Revenons-en à Candide.
Quand j’avais lu Candide, au lycée, comme on lit une œuvre littéraire dans le contexte de l’enseignement public et obligatoire (j’utilise le mot « obligatoire » dans le sens « on n’a pas vraiment le choix » et pas dans le sens légal), je ne l’avais pas trouvé bien. C’était lisible, plus que d’autres œuvres imposées comme Le Rouge et le noir mais ça s’arrêtait là. J’étais snob, bien sûr, comme on peut l’être à dix-sept ans. C’est-à-dire que je préférais les lectures que je choisissais - comme les pièces de théâtre - à celles qu’on m’imposait. C’était certainement du snobisme d’adolescente de lire des pièces de théâtre. Et je ne lisais pas du Molière, bien sûr, ni du Racine. Je lisais des trucs contemporains. J’étais même abonnée à « l’Avant-scène ». Il y avait deux « Avant-scène », un qui était du théâtre et l’autre, du cinéma. J’adorais les deux. Et je rechignais à lire ce qui était imposé à l’école. Bien sûr.
Donc, Candide, c’est beaucoup plus tard, que je l’ai vraiment lu. Il a fallu que j’attende que mon fils soit en première pour vraiment le lire et le comprendre. Car, chers jeunes parents, il faut que vous sachiez que tous les livres que vous avez lus sans plaisir dans votre adolescence, vous les relirez quand vos enfants seront eux-mêmes adolescents. Peut-être que vous ne les relirez pas mais je vous conseille de les relire.
Parce que, non seulement vous allez être capables d’aider vos enfants mais en plus, vous allez découvrir des merveilles. Oui. Tout est dit dans un livre comme Candide ou dans une pièce de théâtre comme Dom Juan. Tout est merveilleusement dit. Candide vous expliquera votre fonctionnement social, politique, philosophique. En lisant Candide, vous reconnaîtrez tout ce qu’on explique dans les livres de développement personnel actuels. Simplement c’est dit autrement. Dans Dom Juan, vous retrouverez les émotions que vous avez découvertes la première fois que vous êtes tombé amoureux et que vous n’avez jamais retrouvées ensuite. Le Dom Juan de Molière était simplement un gars qui aime non pas l’amour, le sexe, mais l’émotion fugitive et intense que l’on éprouve la première fois. Un peu comme l’ecstasy : la première fois, c’est tellement bien que, toute sa vie, on veut retrouver ce moment.
Voilà. C’est ça, la littérature que l’on étudie à dix-sept ans. Les programmes scolaires sont faits pour des gens qui ont dix-sept ans mais ne les comprendront que quand ils auront quarante ou quarante cinq ans.